Dans tous les cas, la liaison, qu’elle soit dative ou à partage d’électrons « normal », est une liaison covalente. Dans l’usage courant, le préfixe dipolaire, datif ou coordonné sert simplement à indiquer l’origine des électrons utilisés pour créer la liaison. Par exemple, F3B ← O(C2H5)2 (« éther de trifluorure de bore (diéthyle) ») est préparé à partir de BF3 et de :O(C2H5)2, par opposition aux espèces radicalaires – et +. La liaison dative est également une commodité en termes de notation, car les charges formelles sont évitées : on peut écrire D : + ()A ⇌ D → A plutôt que D+-A- (ici : et () représentent l’orbitale à paire solitaire et l’orbitale vide sur le donneur de paires d’électrons D et l’accepteur A, respectivement). Cette notation est parfois utilisée même lorsque la réaction acide-base de Lewis impliquée n’est que notionnelle (par exemple, le sulfoxyde R2S → O est rarement, voire jamais, réalisé en faisant réagir le sulfure R2S avec l’oxygène atomique O). Ainsi, la plupart des chimistes ne font aucune réclamation en ce qui concerne les propriétés de la liaison lorsqu’ils choisissent une notation plutôt que l’autre (charges formelles vs liaison fléchée).
Il est généralement vrai, cependant, que les liaisons représentées de cette façon sont des covalentes polaires, parfois fortement, et certains auteurs affirment qu’il existe de véritables différences dans les propriétés d’une liaison dative et d’une liaison à partage d’électrons et suggèrent que la représentation d’une liaison dative est plus appropriée dans des situations particulières. Dès 1989, Haaland caractérisait les liaisons datives comme des liaisons (i) faibles et longues, (ii) pour lesquelles seul un faible degré de transfert de charge a lieu pendant la formation de la liaison, et (iii) dont le mode de dissociation préféré en phase gazeuse (ou dans un solvant inerte à faible ε) est hétérolytique plutôt qu’homolytique. L’adduit ammoniac-borane (H3N → BH3) est donné comme exemple classique : la liaison est faible, avec une énergie de dissociation de 31 kcal/mol (cf. 90 kcal/mol pour l’éthane), et longue, à 166 pm (cf. 153 pm pour l’éthane), et la molécule possède un moment dipolaire de 5,2 D qui implique un transfert de seulement 0,2 e- de l’azote au bore. On estime que la dissociation hétérolytique de H3N → BH3 nécessite 27 kcal/mol, ce qui confirme que l’hétérolyse en ammoniac et en borane est plus favorable que l’homolyse en cation radicalaire et en anion radicalaire. Cependant, en dehors d’exemples clairs et nets, il existe de nombreuses divergences quant à la qualification d’un composé particulier et, par conséquent, quant à la prévalence globale de la liaison dative (par rapport à la définition préférée d’un auteur). Les chimistes computationnels ont suggéré des critères quantitatifs pour distinguer les deux « types » de liaison.
Parmi les exemples non évidents où la liaison dative est revendiquée comme importante, on peut citer le suboxyde de carbone (O≡C → C0 ← C≡O), les tétraaminoallenes (décrits en utilisant le langage de la liaison dative comme « carbodicarbènes » ; (R2N)2C → C0 ← C(NR2)2), le carbodiphosphorane de Ramirez (Ph3P → C0 ← PPh3), et le cation bis(triphénylphosphine)iminium (Ph3P → N+ ← PPh3), qui présentent tous des géométries d’équilibre considérablement courbées, avec toutefois une barrière à la courbure peu profonde. La simple application des règles normales de dessin des structures de Lewis en maximisant la liaison (en utilisant des liaisons partageant les électrons) et en minimisant les charges formelles permettrait de prédire des structures hétérocumulènes, et donc des géométries linéaires, pour chacun de ces composés. Ainsi, ces molécules seraient mieux modélisées comme des complexes de coordination de :C : (carbone(0) ou « carbone ») ou :N:+ (cation mono-azoté) avec CO, PPh3, ou des N-hétérocycliques carbènes comme ligands, les paires solitaires sur l’atome central expliquant la géométrie courbée. Cependant, l’utilité de cette vision est contestée.